Cœur Carmat : l’Histoire est en marche
21 décembre 2013
Dans les deux ans, 30 patients français pourraient bénéficier du cœur Carmat. ©Carmat
« Nous sommes dépassés par l’engouement médiatique extraordinaire », sourit le Pr Daniel Duveau. Chirurgien thoracique et cardiovasculaire au CHU de Nantes, il est l’un des deux médecins avec le Pr Christian Latremouille (hôpital européen Georges Pompidou) auteurs de la première implantation d’un cœur artificiel total chez l’Homme. C’était ce mercredi 18 décembre à Paris. Comment se porte ce patient ? Quelles seront les suites de cette aventure ? Pour Destination Santé, il revient sur cet événement historique. Et si l’on ose écrire… palpitant !
Un cœur artificiel total. Inventé par le Pr Alain Carpentier (Hôpital Européen Georges Pompidou – Paris) et conçu par la société française Carmat, ce cœur artificiel est qualifié de « total » car il comporte les deux ventricules. « C’est un cœur biologique », nous rappelle le Pr Duveau. « C’est-à-dire que les parois sont recouvertes non pas de silicone ou de caoutchouc mais de tissus biocompatibles avec le sang ». L’objectif étant de limiter le risque de formation de caillots sanguins. Autre révolution majeure, ce dispositif se veut physiologique. « Il vise à s’adapter à la situation de l’individu. Lorsque celui-ci exercera une activité physique par exemple, le rythme accélérera. Et diminuera au repos ».
Jusqu’à ce mercredi 18 décembre, le cœur Carmat comme on l’appelle déjà, n’avait été testé que sur des animaux. Des veaux, 35 environs, en partie à Nantes, dans le cadre d’une collaboration entre le CHU et l’école vétérinaire Oniris. Pourquoi le veau ? « Pour des raisons anatomiques et de compatibilité du volume thoracique », précise le chirurgien.
Ce cœur artificiel est destiné aux « insuffisants cardiaques terminaux en échec thérapeutique, dont l’espérance de vie est inférieure à un an », poursuit le Pr Duveau. « Les patients en question présentent une défaillance irréversible des deux ventricules. Et pour diverses raisons médicales, ils n’ont pas accès à la greffe ».
Le premier patient à en avoir bénéficié, remplissait donc ces critères. Il est âgé de 76 ans. L’intervention a duré près de 8 heures, « comme une chirurgie cardiaque complexe », explique le Pr Duveau. « Trois jours après, il respire seul, il bouge, il est assis dans son lit. Il bénéficie d’un suivi post-opératoire d’un opéré cardiaque lourd ». Il devrait rester entre 8 et 15 jours en réanimation afin de surveiller les principaux paramètres biologiques, rénaux notamment.
Trois autres patients à venir. « Nous sommes dans une étude de faisabilité et de fiabilité du dispositif », reprend le Pr Duveau. « L’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé (ANSM) a donné l’autorisation de procéder à l’implantation de ce dispositif sur quatre patients ». Et cela dans trois centres hospitaliers: l’Hôpital Européen Georges Pompidou à Paris où devrait également se dérouler la deuxième intervention. Mais aussi le Centre Chirurgical Marie Lannelongue du Plessis-Robinson (92) et l’hôpital Laënnec-Nord du CHU de Nantes. « Nous espérons que ces quatre premiers patients seront opérés d’ici le printemps 2014», glisse le Pr Duveau.
Il poursuit : « en cas de succès de cette première phase d’essai, les effectifs devraient être portés à une trentaine de malades. C’est un programme qui devrait se dérouler sur un à deux ans ».
Une alternative à la greffe. A terme, l’objectif est « de pallier le manque notoire de greffons dont sont victimes des dizaines de milliers de personnes souffrant d’insuffisance cardiaque avancée », explique la société Carmat. Selon ses calculs : plus de 20 millions de patients seraient concernés en Europe et aux États-Unis.
Le Pr Duveau reprend : « il s’agirait de proposer une alternative à la transplantation ». Il tient toutefois à se montrer prudent. « Tout cela est certes prometteur mais encore très prématuré. Il nous faudra des mois voire des années de recul et de confirmation ».
Un premier article est d’ailleurs en préparation pour une revue scientifique. « Mais il faut que nous ayons un recul suffisant bien au-delà de 72 heures pour qu’il y ait un intérêt scientifique. Et que cela ne soit pas un exploit de quelques jours ou quelques semaines », conclut le Pr Duveau.
Source : Interview du Pr Daniel Duveau, 21 décembre 2013 – Carmat, 20 décembre 2013.
Ecrit par David Picot